Par Merck’n Sley Suprême Jean-Pierre
Il y a quelques mois, on rêvait d’une qualification en coupe du monde. Le 21 février 2023, à l’issue d’un match gagné face au Chili 2-1 grâce à un doublé de Melchie Daëlle Dumornay, ce rêve est devenu réalité. Nos Grenadières ont obtenu le billet qualificatif pour le Mondial Australie / Nouvelle-Zélande 2023.
La fierté était grande. Même s’il n’était pas célébré en grande pompe, cet exploit a quand même été salué par plus d’un. On sait qu’à coups sûrs, prendre part à une compétition de telle envergure peut ajouter de la valeur à l’image d’Haïti mondialement. Mais, sommes-nous réellement prêts à surfer sur cette vague?
Plus besoin de raconter nos déboires, et nos soucis quotidiens à tous les niveaux. On dirait que notre chère Haïti n’a rien sinon que ses problèmes, ses regrets et son incapacité à exporter dignement sa culture et ses talents. C’est dommage puisqu’on vient de citer deux potentiels arguments solides quand il faudrait se référer à notre pays.
Le sport lui-même a déjà démontré qu’il est un puissant catalyseur d’images positives. Plusieurs pays s’en sont servis pour grappiller une légitimité sur la scène internationale. Tellement vrai, que de nouveaux pays ne sont connus que lorsqu’ils ont commencé à donner au sport une place importante dans leur projet de développement.
Grâce à son histoire, riche et fascinante, son climat et ses reliefs, Haïti tient une grande proportion dans ce qu’elle peut offrir au monde, mais l’image qu’on retient de la nation caribéenne renvoie presque toujours à des représentations peu dignes. Nonobstant l’instabilité socio-politique chronique, Haïti demeure un pays qui regorge de talents, mais qui peine à s’affirmer comme tel.
Dans beaucoup de sports, nos pépites frappent à l’œil, mais les fédérations, quand elles existent, se servent du bout de leurs ongles. On a continuellement ce regret lié au manque où à l’absence tout court de préparations adéquates. Mais cette génération s’en est sortie avec brio, tout en ouvrant la voie à de plus grands exploits.
Pendant au moins une semaine après les barrages, les nouvelles autour de la république libre depuis 1804 ont sonné différemment; on a parlé de succès, de talents et de joie, tout ça grâce à nos Grenadières. Il serait donc opportun que chez nous, nous utilisions cet accomplissement pour qu’il fasse davantage d’échos.
Pour être parmi les 32 nations qualifiées, la sélection haïtienne s’est donnée au combat. C’est la victoire d’une affirmation : “Haïti a beaucoup mieux et beaucoup plus à offrir que ce qu’on lui attribue”. Il nous faut donc prendre conscience de cette possibilité en or massif et créer autour de nos sportifs cette envie de les voir à l’œuvre.
Si des recruteurs se déplacent en Argentine, au Brésil pour repérer les talents, ce n’est pas parce que ces pays sont dans les plus nobles conditions sociales ou politiques, mais surtout parce qu’ils misent beaucoup sur la valeur intrinsèque de leurs jeunes sportifs et agissent en conséquence en les donnant accès à de bonnes formations. Les retombées positives sont claires et nettes.
Cette place au mondial pour Haïti ce ne doit pas être juste un séjour d’un groupe de personnes en Océanie. Cela doit être le voyage d’un ensemble d’ambassadeurs et d’ambassadrices, munis de la mission de faire flotter fièrement le Bicolore haïtien. La jeunesse haïtienne a besoin d’inspiration, pourquoi ne pas lui exposer les efforts et le parcours de nos joueuses? Beaucoup d’entre elles ont fait face à la précarité à un moment de leur vie.
S’il manquait de prétexte pour qu’enfin l’Etat comprenne la nécessité de mettre en place les structures adéquates pour la pratique du sport, en voici un : “Du 20 juillet au 20 août 2023, Haïti participera au mondial, et fera partie des 32 meilleures nations du monde en football féminin.”