Par Merck’n Sley Suprême Jean-Pierre
À tort ou à raison, on ose croire que le football haïtien peut-être autant performant que d’autres pays qui ont pris du temps pour se structurer sur le plan sportif. On s’exige des récompenses pour lesquelles on n’a pas travaillé. Pourtant, le football actuel, laisse très peu de place à la magie des coups de chance.
Depuis environ 2 ans, le football en Haïti est à l’arrêt. À l’image du pays, le secteur sportif frôle le coma. Cette descente aux enfers a été enclenchée depuis plusieurs décennies, mais elle a atteint sa vitesse maximale avec le scandale d’abus sexuels qui a éclaté au sein de la Fédération Haïtienne de Football. Le bureau fédéral est évincé, remplacé par un comité de normalisation par la FIFA.
Pas de football au niveau des clubs, très peu ou presque pas d’activités sportives sur le territoire, la seule façon pour le foot haïtien d’exister c’est grâce à ses sélections nationales. Ces dernières, victimes elles aussi de l’état piteux du secteur, parviennent tout de même à respirer grâce à beaucoup de talents haïtiens évoluant un peu partout hors de nos frontières.
Mais les bons résultats, nous ne les obtenons que rarement. Quand ce n’est pas un manque d’implication des joueurs ou une mauvaise performance qui est pointée du doigt, ce sont les choix techniques et tactiques des sélectionneurs qui sont continuellement remis en cause.
Bref, pour des raisons qu’on ignore, beaucoup d’observateurs s’amusent à jeter tout le sort de nos mauvaises performances sur des simples faits de jeu ou des choix conjoncturels. Par cette méthode, je crois que nous commettons, de bonne ou de mauvaise foi, une véritable erreur.
Il faut évidemment comprendre que le football haïtien est un secteur malade qui peine depuis des lustres à se tenir debout. Cela s’explique avant tout par l’inexistence d’une politique sportive nationale, dans un pays où les infrastructures sportives sont pratiquement oubliées par les plus hautes instances.
De 2006 à 2022, le football haïtien a connu quelques résultats phares. Prenons par exemple le sacre en Coupe Caraïbes sous la direction du Directeur Technique cubain, Luis Armelio Garcia et plus près de nous en 2019, avec une demi-finale de Gold Cup avec Marc Collat, sans oublier la participation au mondial féminin U20 cette même année.
On a aussi eu des fessées inexplicables comme notre élimination en phase éliminatoire à la coupe du monde de 2014 contre Antigua, défaite 0-1 à l’aller à Antigua et victoire 2-1 au retour au Stade Sylvio Cator, mais insuffisante à cause du but encaissé à domicile.
Si l’on considère cette même période, on pourrait relater d’autres coups d’éclats remarquables qui ont permis au football haïtien de s’attirer un peu de projecteurs. Les bonnes performances contre les États-Unis, l’Espagne, l’Italie avec une participation en Copa America Centenario en 2016. Mais dans l’ensemble, c’est un manque d’organisation chronique qui caractérise le sport de prédilection des haïtiens.
Entretemps, d’autres sélections de la Caraïbe travaillent et progressent sans cesse, l’un des meilleurs exemples, la Jamaïque. Tout près de nous, la République Dominicaine a elle aussi pris du poil de la bête au point de nous dépasser sur bien des aspects aujourd’hui. Les récents résultats en club et en sélection en témoignent.
Avoir un sélectionneur de grand calibre, un bon effectif, c’est très important. Mais on doit cesser de prendre pour normal nos petits exploits “brins de lumière” obtenus par hasard. On ne doit pas réduire le foot haïtien, ni dans la réalité, ni dans notre imaginaire, à une simple question de coup de chance.
Pour être performant en sport, se préparer est primordial. Ce ne sont pas que des stages de deux semaines qui vous donneront une place de choix parmi les meilleures nations de la CONCACAF.
Haïti pourrait se targuer d’embaucher les meilleurs sélectionneurs de la zone, mais avec ce manque criant d’organisation, nous n’aurons toujours que des miettes. Les résultats en sport sont la finalité d’une prédisposition ordonnée.
Si Haïti veut se ranger aux côtés des grands de la zone, il faut avant tout une politique sportive éclairée, une vision d’ensemble incluant toutes les catégories, pour ainsi définir l’identité du football haïtien. Nous aurons alors les sélectionneurs avec les philosophies qui nous correspondent. Sans ce grand sentier, nos démons ne cesseront de nous rattraper, régulièrement.